Soutenance de thèse par Justine Cesari

Justine Cesari, doctorante en psychologie clinique, présentera sa thèse : Caractéristiques psychiques, attachement et mentalisation d’une population de femmes victimes de violences conjugales

Sous la direction de Rose-Angélique Belot et Houari Maïdi

Résumé

Contexte : Multiformes et complexes, les violences conjugales touchent tous les milieux et tous les âges (Brown et al., 2002). Qu’elles soient de nature psychologique, physique et/ou sexuelle, ces maltraitances revêtent toujours un caractère traumatique (Coutanceau et al., 2021 ; Salmona, 2020). En 2020, 47 000 femmes ont été tuées dans le monde par leur conjoint ou ex-conjoint (OMS ; 2021). En France, le Secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les hommes et les femmes observe que chaque année, environ 220 000 femmes sont victimes de violences conjugales. Face à ces événements traumatiques au sein des relations conjugales, les ressources psychiques des sujets sont particulièrement mises à l’épreuve, y compris leurs modalités d’attachement et la qualité de leur mentalisation. Aussi, alors que certaines femmes réussissent à s’extraire de la violence conjugale, d’autres sont victimes de violences continues et répétées durant de longues périodes et avec, parfois, plusieurs conjoints successifs (Besset & Zaaf, 2018).

Bien que plusieurs recherches mettent en avant l’existence d’une interaction entre le vécu de maltraitances durant l’enfance et le vécu de violences conjugales à l’âge adulte (Condino et al., 2022 ; Metz & Razon, 2015), il n’existe pas d’études s’intéressant spécifiquement à ces deux configurations distinctes, à savoir les femmes victimes de violences conjugales chroniques (VCC) et celles victimes d’un épisode de violence conjugale unique (VCU). Notre étude a donc pour objectif de mieux comprendre la sécurité des liens d’attachement précoces et actuels, la qualité de la mentalisation et l’évolution de la symptomatologie post-traumatique des sujets, ainsi que les divergences que nous pouvons observer entre ces deux groupes sur ces points précis. Cette thèse vise également à apprécier l’impact du suivi thérapeutique auprès de cette population.

Méthode

Notre recherche porte sur cohorte de 50 femmes victimes de violences conjugales (VCC, n = 25 ; VCU, n = 25) qui consultent au sein du service de Médecine Légale et Victimologie du CHU de Besançon après dépôt de plainte à l’encontre d’un conjoint violent. Notre méthodologie mixte et longitudinale comporte deux épreuves projectives (Rorschach et TAT), plusieurs autoquestionnaires validés scientifiquement évaluant l’attachement actuel, les relations précoces, la mentalisation, le niveau de stress et les répercussions post-traumatiques, ainsi qu’un entretien semi-directif de recherche (AAI). Les rencontres liées à la recherche ont lieu en deux temps (T1 : entre deux semaines et un mois après le dépôt de plainte à l’encontre du conjoint ; T2 : un an après la première rencontre).

Résultats

Les résultats de cette recherche sont multiples, notamment dans les divergences observées des profils inter-groupes. Dans le groupe VCC, les difficultés relationnelles précoces, l’attachement craintif et les profils d’hypomentalisation sont majoritaires. Le taux élevé d’Etats de Stress Post-Traumatiques (ESPT), avec de nombreux symptômes de reviviscence, d’évitement et d’hypervigilance, se retrouve aussi bien au T1 qu’au T2. A l’inverse, dans le groupe VCU, les analyses statistiques montrent des relations précoces majoritairement sécurisantes. Au T1, ces femmes présentent le plus souvent des stratégies d’attachement détachées et des caractéristiques psychiques liées à une hypermentalisation. Au T2, les résultats montrent des modalités d’attachement plus sécures, une meilleure qualité de mentalisation et une diminution des symptômes post-traumatiques. Les analyses ont également montré des effets positifs du suivi psychothérapeutique pour les deux sous-groupes de femmes victimes de violences conjugales, particulièrement au niveau de l’amélioration de la mentalisation.

Conclusion

Ces résultats de thèse permettent d’affiner la compréhension des fonctionnements psychiques des femmes victimes de violences conjugales. L’étude des caractéristiques qui ont trait à la construction de la personnalité des sujets nous renseigne sur les facteurs de risque spécifiques à la mise en place, ou non, du système d’emprise. A l’inverse, les résultats propres au sous-groupe VCU contribuent à la connaissance des facteurs qui favorisent les phénomènes de sortie de crise, aussi bien face à la violence que face au traumatisme qui en découle.

Composition du jury

Claude DE TYCHEY, Professeur émérite en Psychologie Clinique et Psychopathologie, Laboratoire InterPsy, Université de Lorraine, Rapporteur et Président du jury

Aubeline VINAY, Professeure en Psychologie Clinique du Lien Social, Laboratoire CLiPsy, Université d’Angers, Rapporteur

Christophe CLESSE, Maître de conférences en Psychologie, Université de Roehampton, Londres, Angleterre, Examinateur

Rose-Angélique BELOT, Professeure en Psychologie Clinique et Psychopathologie, Laboratoire de Psychologie UR-3188, Université de Franche-Comté, Co-directrice

Houari MAÏDI, Professeur en Psychologie Clinique et Psychopathologie, Laboratoire de Psychologie UR-3188, Université de Franche-Comté, Co-directeur